La Place de l’étoile de Patrick Modiano

Mardi 25 Février 2020-00:00:00
' Ayman Elghandour

Grâce à sa production volumineuse, Modiano se trouve constamment au cœur du paysage littéraire français. Il ne se contente pas de présenter une trentaine de romans, il a contribué en 1974 à l’écriture du film Lacombe Lucien de Louis Malle, rédigé le scénario du film Bon voyage, réalisé par Jean-Paul Rappeneau en 2003. Bien que son œuvre soit multidimensionnelle, l’auteur est soucieux de choisir des thèmes cohérents. Dès le début de sa carrière, il ne s’intéresse qu’à restaurer un passé douloureux. Malgré la diversité des histoires qu’il raconte, c’est l’Occupation qui demeure fortement présente dans son œuvre. Celle-ci met sans cesse l’accent sur un Paris cauchemardesque où s’égarent les héros à la recherche de leur identité. Cette spécificité a attiré l’attention des critiques qui lui ont consacré de nombreux essais. Ce qui a contribué à célébrer ses romans, traduits ultérieurement dans d’autres pays : Allemagne, Angleterre, Etats-Unis, Pays-Bas … etc. Couronné, Modiano a reçu tant de prix.

Modiano a livré le manuscrit de son roman à Gallimard. Mais les éditeurs qui y ont remarqué un ton antisioniste, d’épineuses questions, « le problème juif et rien que cela »,  ont décidé de le publier à l’année suivante. C’est en 1968 que l’œuvre voit le jour et capte à la fois l’attention du public et des critiques dont nous citons Baptiste Roux. Ce dernier constate que « l’emploi des temps ainsi que la présence de personnages récurrents donnaient au texte une apparence du récit fictif. » On ne s’étonne pas en voyant La Place de l’étoile obtenir, à la même année de sa parution, deux prix : Fénéon et Roger Nimier.

La place de l’étoile est un récit d'aventures tragiques qui  se déroule de la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’aux années soixante. Schlemilovitch, le personnage principal, qui est né à Bouligne-Billancourt, se trouve déchiré par sa double identité juive et française. Il essaye de concilier ces deux identités afin de déceler son vrai visage. Mais cette dualité le tourmente et le livre à ses hallucinations. Le héros nous accompagne dans un voyage non seulement à travers l’espace géographique en France, en Autriche et en Israël, mais aussi à travers l’espace temporel, rencontrant des êtres disparus tels Freud, Maurice Sachs, Karl Marx, Hitler et sa femme … etc. D’ici naît le fictif que l’auteur mêle au réel. Le narrateur nous raconte le parcours de son histoire. Nous le voyons influencé par son professeur, Debigorre, pendant ses études supérieures à Bordeaux. Après sa rencontre avec un aristocrate travaillant dans la traite des femmes, il devient proxénète ayant pour but de séduire des jeunes femmes françaises et de les rapporter à ceux qui payent. Ensuite, il se trouve en Israël, dans un camp ressemblant à celui de concentration. La scène finale du roman nous présente le héros à Vienne, allongé sur un divan ; il est sur le point de se faire psychanalyser par Freud. Cette fin reflète l’échec du narrateur qui ne peut trouver aucune réponse à ses questions.